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Théâtre d'improvisation et JdR

Le but des quelques scribouillis qui suivent est de présenter quelques variations sur la forme du jeu de rôles traditionnel, en faisant appel aux techniques mises en oeuvre en théâtre d'improvisation. Il ne s'agit en aucun cas ici de vouloir dire "l'impro et le jdr c'est la meme chose" ou autre bêtise de ce genre. Ce qui suit décrit plutôt et avant tout plusieurs parties de jdr ayant eu lieu au cours ces deux dernieres annees et qui étaient un petit peu 'experimentales' en ce sens qu'elles remettaient volontairement en question les rôles respectifs des joueurs et du meneur au cours d'une partie.
Théâtre d'improvisation : Kezako ?
Si vous ne savez pas ce en quoi consiste le théâtre d'impro, je ne vais pas vous faire un cours. En gros, il s'agit en général pour 1 à 5 acteurs d'improviser un petit sketch de 1 à 5 minutes sur un thème donné. Ils ont 30 secondes de réflexion pour se donner des rôles, trouver une situation, une introduction et une chute. Pour vous faire une idée plus précise, je vous propose de consulter les types de spectacles proposés par C Cédille, une troupe d'improvisation toulousaine renommée... On remarquera dans ces différents types de spectacles le rôle particulier du presentateur, sorte de super-meneur de jeu, qui fait le lien entre les sketchs et assure la coherence du spectacle. Cette idee a ete reprise pour "Y'a-t-il un MJ dans le scénar ?"
Quel rapport avec le jeu de rôles ?
Et bien, en théâtre d'improvisation, il y a des personnages qui interprètent un rôle face a une situation. En jeu de rôle, c'est pareil. Sauf qu'en général, le passé et les relations entre les personnages sont plus fouillés que ce qu'on obtient habituellement en impro sur le thème "Doublons à plume" : "Alain*, tu es un vieux pirate boiteux qui cherche un trésor. Zarg*, tu feras son perroquet insupportable. Vous détenez chacun un bout de la carte au trésor... Une tempête s'annonce... Vous êtes sur le bateau, l'île est en vue ... C'est parti !" 

On remarquera aussi que l'auteur de ce 'coaching' de folie, met les personnages dans une situation tendue : "Une tempête s'annonce...". En effet, les passages les plus palpitants dans un film ou sur scène sont ceux qui contiennent des instants dits 'dramatiques'. Ce sont les moments ou les personnages sont obligés de donner leur pleine mesure, de cracher tout le potentiel qu'ils ont en eux. En théâtre d'impro, les persos ont en général peu d'épaisseur et il convient donc souvent de " compenser " en enchaînant les coups de théâtre et les situations cocasses.

Une histoire en impro se résume donc souvent a une série de "scène-clefs" parfois reliées entre elles par un conteur pour faire les transitions [10 ans plus tard ... Pendant ce temps, le détective interroge son contact ... Flash-back : leur arrivée heureuse en Jamaïque ...] 

L'idee de base lorsqu'on tente d'adapter le concept d'improvisation en jeux de rôle est donc d'étendre la durée de l'improvisation pour construire une de ces grandes et belles histoires épiques qui font le charme des parties traditionnelles.

* : Toute ressemblance avec des vrais acteurs est purement mais alors la complètement fortuite... Bien le bonjour quand même a Alain et Vincent, si jamais leurs petits yeux malicieux se posent sur ce recoin obscur de la toile mondiale... 

Et pourquoi est-ce aussi novateur et intéressant de rajouter une composante impro au jdr ?
Tout d'abord, la bonne conduite d'une partie de jdr complètement improvisée repose sur le fait que chacun va devoir interpréter au mieux son rôle. Souvent, on a donc droit au cours d'une partie de 'jdr-impro' a de meilleures prestations d'acteur qu'habituellement. 

Par ailleurs, tous les joueurs sont amenés a interpréter plusieurs personnages au cours d'une partie, les PNJs ne sont plus l'apanage du meneur, vu que celui-ci n'a pas la main-mise sur le contrôle de l'histoire, celle-ci n'étant pas écrite à l'avance. On ne se retrouve donc pas "coincé" dans un rôle qui nous déplait au cours d'une partie de jdr-impro. Mieux, on se fixe souvent soi-même le rôle qui nous séduit le plus, en rapport avec l'histoire en cours.

Par ailleurs, toutes les personnes présentes se trouvent pareillement impliquées dans la bonne conduite de l'histoire, et le rôle de préparation préalable de la partie par le meneur est considérablement allégé.

Enfin, sur une courte durée de jeu, on arrive souvent a davantage de dynamisme et de rebondissements au niveau de l'histoire finale. 

Donc c'est du jeu de role sans règles, en accéléré, avec des persos moins fouillés ? 
Oui. C'est un peu ça. Sauf que les plus avertis d'entre-vous auront remarqué que j'ai habilement tu un point d'importance : le théâtre d'impro, ça se passe sur une scène. Donc les acteurs sont debout et jouent devant un public. Et mine de rien, ça ne se transpose pas tel quel à la situation habituelle de jdr, à savoir 5 personnes isolées dans une pièce ou autour d'une table...

Partant de là, nous avons essaye quatre approches pour nous rapprocher du jeu de role : 
- On garde la forme, donc on joue en "Grandeur Nature" toutes les actions, comme dans une "soirée-enquete" [ou murder-party]. Inconvénient : c'est usant, et ça demande beaucoup d'énergie de la part des participants.
- On garde cette idée, mais pour palier a l'effort physique et au problème de la situation géographique de l'action, on situe la scène dans un huis clos. Du coup, ce n'est plus l'histoire qui a la vedette, mais les relations psychologiques entre les personnages, qui sont amenés à débattre entre eux de sujets divers, selon leurs motivations propres. 
- On décide d'orienter le jeu davantage vers la construction de l'histoire à plusieurs plutôt que sur l'interprétation des personnages, auquel cas on se retrouve un peu face a une instance évoluée de "Il était une fois" [Un jeu de conte àplusieurs où chacun peut intervenir à son tour sur la suite de l'histoire], où chacun ne pourrait agir sur l'histoire qu'à travers son personnage. Des jeux du commerce tel que "TheatriX" ou "Chimères" ont en partie explorée cette voie là, mais toujours en imposant des règles.
- La construction de l'histoire devient l'essence du scénario. Cette situation un peu extreme a donne de tres bons resultats dans Les PJ se vengent du MJ .

Je me rends compte que tout ça doit paraître un peu abstrait et je vous invite sans plus attendre à lire les exemples les plus typiques de ces 'approches teintées d'impro du 'jeu de rôle' : Y'a-t-il un MJ dans le scénar?, Entretien avec des vampires et Les PJ se vengent du MJ

Dans la partie suivante, je decris les différentes approches qui furent tentées autour d'une remise en question des rôles du meneur et des joueurs en s'aidant du théâtre d'improvisation. 

OK. Et ca marche vraiment tout ca ?
On garde la forme, donc on joue en "Grandeur Nature" toutes les actions...

Sur cette première idée, voici quelques-uns des essais qui furent tentés au club de Supaero en 1999-2000 :

EXPERIENCE 1 : Pure impro longue a 7/8 joueurs :
L'idee première qui vient, c'est de transposer directement ce qui se fait sur la scène de théâtre : on met 7-8 personnes dans une piece dont on a dégage le mobilier, on définit un espace de jeu et un "banc de touche", on donne une situation de départ, quelques personnages, et ensuite chacun est libre d'intervenir pour faire avancer l'histoire, soit en tant que conteur en "voix off " soit en tant que nouveau personnage.
La situation de départ placait un équipage baroque a bord d'un vaisseau interplanétaire en approche d'une planète inconnue. Nous avons tenu près d'une heure, avant de conclure l'histoire en catastrophe par une série de coups de théâtre improbables.

Premier constat : au bout d'une heure, on était épuisés et a court d'idées intéressantes.
Deuxième constat : il s'était passé ENORMEMENT d'évènements et de rebondissement au cours de l'histoire. Chacun se sentait oblige d'apporter quelque chose chaque fois que la situation semblait s'essouffler.
Troisième constat : On s'était bien fendu la gueule a certains moments.
Quatrième constat : L'histoire que nous avions construit avait peu de cohérence interne. Beaucoup d'éléments avaient été apporte sans être utilisé ou sans que leur sort soit scellé lors de la conclusion..
Bref, devant ce premier essai somme toute encourageant, nous avons eu envie d'améliorer le concept et de l'enrichir. 

EXPERIENCE 2 : Pure impro longue à 5/6 joueurs avec un 'meneur':
Le meneur avait cette fois pour mission d'attribuer a chaque joueur un personnage principal un peu fouillé, de réfléchir a une situation de départ intéressante et surtout de poser chaque nouvelle scène avant que les joueurs n'interviennent. Il avait tout pouvoir pour effectuer des transitions, conclure une scène ambiguë ou une scène qui ne débouche sur rien d'intéressant.

L'histoire était cette fois un classique policier, qui a tourne au surnaturel au bout d'une heure. La partie a duré 2 heures et demi, la dernière demi-heure se faisant laborieuse du fait que personne ne maîtrisait complètement tous les fils de l'histoire et ne voyait comment la conclure.

Premier constat : Nous avons essayé de poser davantage l'action, d'instaurer davantage de dialogues entre les personnages mais le problème de la fatigue et de la baisse de motivation des joueurs a conduit a une fin expéditive.
Deuxième constat : Avoir un oeil extérieur qui met en scène l'ensemble de l'histoire permet effectivement de rallonger la durée de celle-ci.
Troisième constat : Les meilleurs moments de la partie sont ceux ou des curieux sont venus voir ce qui se passait et se marraient des situations cocasses mises en scène. De ce dernier constat, il nous est apparu clairement qu'avoir un public motivé entretient un certain fun de la partie, qui sinon s'épuise de lui-même au bout d'une heure et demi de jeu.
Quatrieme constat : Une certaine lassitude à jouer toujours la même histoire au bout de deux heures.

EXPERIENCE 3 : Y'a-t-il un MJ dans le scénar?
Si vous ne l'avez deja fait, je vous invite a lire le contenu de ce scenario. Il resume en quelques sortes nos differents essais et nous avons essayé de fournir quelque chose de jouable sur 4-5 heures. Si vous tentez le coup avec des amis, faites-nous part de vos impressions !


On situe la scène dans un huis clos

Cette deuxième idée garde un aspect impro en ce sens, que le rôle du meneur de jeu en tant que conteur se trouve cette fois complètement éclipsé. Il a concocté des personnages fouillés et propose une situation de départ complexe, mais ne laissant pas de mobilité géographique à ses personnages. Il distribue les historiques des personnages aux joueurs et pose simplement le cadre de départ.

Dans cet ordre d'idee, Cédric Langbort a écrit un scénario extrêmement intéressant, Le Gambit du fou, où le maître de jeu incarne pendant toute la partie un unique personnage et interagit donc en tant qu'acteur avec les joueurs.
Dans une autre approche, une fois les historiaux distribués et la situation de départ posée, le MJ règle l'éclairage, et va s'asseoir tranquillement dans un coin de la pièce, n'étant la que pour répondre à d'éventuelles questions des joueurs et pour conclure l'histoire. Cette idée fut celle mise en oeuvre par Pascal Krajewski dans Entretien avec des vampires et reprise et développée par moi-même dans Noirs Souvenirs.


On décide d'orienter le jeu davantage vers la construction de l'histoire a plusieurs

Cette troisième approche essaie cette fois-ci de faire participer tout le monde de façon équivalente à la bonne marche du récit. Le MJ se contente dans cette optique d'être l'initiateur du récit.

Experience 1 : scenario improvisé, scènes posées par le meneur   

Ce premier essai eut lieu dans le monde onirique fantasitique très ouvert de Denis Gerfaut : Reve De Dragons. Cet univers se prête bien aux divers incohérences et obstacles que l'on rencontre inévitablement lorsque l'on improvise une histoire. Au cours de la partie, le meneur posait une situation, avec les personnages en présence et laissait les joueurs choisir un personnage en prenant la parole par la bouche de celui-ci.
C'est le meneur qui garde dans cette configuration la gestion des entrées/sorties des Personnages ainsi que celle du lieu où se deroule l'action.

Exemple : "La salle du trone au coeur du royaume de Cytron. Le roi Pepin est inquiet. Son conseiller Courgette termine un bien inquietant rapport... "
[La, le meneur s'arrête de parler et un des joueurs prend la parole par la bouche du conseiller Courgette]
" Oui, sire. De terribles creatures, griffues et dentues. Sans doute une étrange mutation des épine-dards que nous affrontons habituellement..."
[Un des joueurs fait la reponse anxieuse du roi Pepin]

Dans la suite, soit un troisieme joueurs peut entrer faisant un soldat ou la fille du roi. Le MJ peut aussi considerer qu'il y a eu assez d'éléments introduits au cours de ce bref échange et poser une autre scène.[Mon Dieu : Des épine-dards mutants !!! C'est une quête pour le chevalier de service...Ou bien : Pendant ce temps, le maléfique sorcier achève son super-engrais...].

Vous l'aurez compris, dans ce type de partie, c'est au meneur de tenter de recoller les bouts d'histoire des joueurs, qui s'en donnent a coeur joie.  

Reve De Dragon experimental numero 2
Pour tenter de palier ce defaut, j'ai invité les joueurs a prendre part eux aussi au recit en leur laissant la possibilite de faire eux-memes les transitions entre les scenes. 
Ce ne fut pas un franc succes et les joueurs un peu timores avaient tendance àme laisser faire tout le travail ne prenant l'initiative que rarement.

Sans doute y a-t-il moyen de laisser participer tout le monde en imposant certaines 'règles' de construction, comme des tours de parole pour chaque joueurs.

Je reste convaincu que ce type de partie de jdr peut déboucher sur quelque chose de très intéressant, pourvu que les joueurs s'y entrainent un peu. Nous n'avons pas eu le temps d'approfondir la question, mais libre àvous de tenter vos propres experiences...

Un cadre plus strict : A Vendre

Ce scenario d'Eric Lestrade reprend le principe de fonctionnement du premier test, mais en ayant cette fois-ci tout planifié a l'avance. Les personnages sont donnés aux joueurs sur un petit papier avant chaque scène, avec leur état d'esprit, leur motivation... Bref, le joueur se contente cette fois d'interpreter les scènes [Apres tout, il s'agit de retracer l'histoire d'un film].
Le résultat est tres convaincant. Je pense qu'en l'occurence le scénario beneficie beaucoup de la qualité de celui du film de Laetitia Masson, mais qu'importe ! Le resultat est là : on y croit et on vit l'histoire, meme si on ne la dirige guère...


D'autres approches originales 

Rétroaction d'Emmanuel Daucé et Un autre film noir de Cédric Langbort proposent, chacun à leur façon, aux joueurs de construire l'histoire de bout en bout, en jouant sur les souvenirs des joueurs. Je vous laisse découvrir ces scénarios par vous-meme.

Les PJ se vengent du MJ permet lui aux joueurs de construire l'épopée d'Ulysse 31, incarné par le meneur. L'intérêt est que les joueurs sont ici totalement libres de construire plusieurs petites histoires largement indépendantes entre elles et de laisser libre cours a leur creativité. Le scenario prevoit par ailleurs des 'plages de reflexion' où les joueurs sont laissés à eux-memes pour construire et definir les personnages qui vont intervenir dans chaque histoire. Ces phases sont directement inspirées du théâtre d'impro.  

Et le théâtre dans tout ca ?
En prenant le contre-pied de ce qui précède, on peut aussi vouloir essayer de reproduire du théâtre au cours d'une partie de 'Jeu de rôle'. L'intérêt est la encore d'offrir aux joueurs une bouffée d'air frais dans l'interprétation de leur rôle, et d'offir une mise en abyme toujours intéressante à jouer. Souriez vous etes filmes offre ce type de situation, et c'est ce qui fait tout le sel de ce scenario d'inspiration pratchetienne très classique au demeurant. Un scenario Commedia Dell Arte se situant à la grande époque vénitienne met egalement bien en valeur ce ressort scénaristique.

Ce type de situations où les joueurs interprêtent véritablement des scènes fonctionne admirablement bien avec un public  [ne serait-ce qu'une ou deux personnes extérieures] . A fortiori, un scenario comme "Y'a-t-il un MJ dans le scénar ?" n'a - a mon sens - de raison d'être que si des spectateurs commentent et réagissent a ce qui se passe sur la 'scène'.

Le club d'improvisation théâtrale de Supaero a reproduit àl'occasion d'un spectacle une de ces 'histoire a l'improviste' en prenant une situation de depart farfelue directement inspirée du medieval fantastique. Il en a resulté un sketch débride d'une vingtaine de minutes que le public a adoré. On peut donc envisager àl'avenir que cette branche à part du jdr sans règles se situe en partie sur les planches...   

Scénariographie

- Y'a-t-il un MJ dans le scénar ? paFabien Jaulmes et Pascal Krajewski
- Les PJ se vengent du MJ ! paFabien Jaulmes et Pascal Krajewski
- Entretien avec des vampires paPascal Krajewski
- Le Gambit du fou par Cédric Langbort
- Noirs Souvenirs* paFabien Jaulmes
- A Vendre* par Eric Lestrade
- Rétroaction par Emmanuel Daucé
- Un autre film noir*  par Cédric Langbort
- Souriez vous êtes filmés par Fabien Jaulmes
- Commedia Dell Arte* par
Fabien Jaulmes
*
ces scénarios ne sont pas inclus dans le site

Article écrit par Fabien Jaulmes
Je remercie Pascal Krajewski  pour m'avoir inconditionnellement
soutenu dans mes idées les plus tordues...
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